Je me rappelle son nom : Pétrelle. Un homme de haute taille, soixante-quinze ans, moustache grise, forte pomme d’Adam, teint maïs de fumeur, cancer du poumon. Ma sœur avait noué la cravate assez bas, pour cacher le vilain trou de la trachéotomie. Le mort portait une perruque, la famille savait-elle ? Janelle l’avait laissée en place, ce n’étaient pas nos affaires. Puis, elle avait pratiqué des soins légers.

J’avais quinze ans. C’était la première fois que j’assistais à la toilette d’un mort.

— C’est dégueulasse.

L

e jeune Gabriel Spautz a côtoyé la mort dès son plus jeune âge. À quatre ans, il rencontrait son premier macchabée. À six, il connaissait tous les cimetières de son petit pays. À quinze, c’était un habitué des convois funéraires. Robbe Spautz en est sûr : son fils lui succédera à la tête de l’agence Lumière-de-l’est.

Pourtant, Gabriel n’a pas la vocation. Il fait des efforts sincères pour devenir croque-mort mais le costume, semble-t-il, n’est pas taillé pour lui. Au Centre de formation des métiers du funéraire, ses certitudes vacillent.

S’accrocher, par fidélité aux siens ? Quitter le métier, et trahir sa famille ?