La 10e étape du Tour du monde à pied

 Dans Étapes Geopedis

La 9e étape du Tour du monde à pied s’était achevée à Kiev, capitale de l’Ukraine, en juillet 2017. Pour 2018 et la 10e étape, l’objectif était d’atteindre la frontière russe, 270 km environ au nord de Kiev. L’atteindre… et non la franchir car, dans le contexte géopolitique actuel, il semblait risqué de couper cette ligne par voie terrestre, qui plus était à pied, un sac sur le dos. Nous avons marché une dizaine de jours, sur les routes, les pistes et les sentiers, sous le grand soleil mais plus souvent dans la fraîcheur et la pluie, talonnés par les orages d’un été capricieux. Une longue marche accomplie avec Yan, fertile en rebondissements et péripéties.
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Je ne résiste pas au plaisir de détacher quelques extraits des billets postés sur ma page Facebook, quand quelques heures de répit et une connexion suffisante me permettaient de les écrire :

Le 19 juin 2018

“Un avion lambin et un personnel des lignes aériennes turques pas très concerné nous ont fait rater une correspondance. Nous avons été athlétiques, pourtant. Course dans l’avion bien avant que s’ éteignent les moteurs, galopade dans l’aéroport avec franchissement dans l’ élan des barrières de sécurité, tentative de forçage de porte d’accès à la passerelle…
Mais non.
Alors, nous passons la nuit à Istanbul, loin de nos sacs restés à l’aéroport ! 15e étage, vue sur les minarets, soupe de pois chiches au menu du dîner offert. Lost in Oriental Translation…”

Le 23 juin 2018

“En direct d’Oster, petite ville au nord de Kiev, où nous passons une nuit à l’abri (une école d’ingénieurs mécaniciens nous a gentiment ouvert l’une de ses chambres).
Difficile de résumer trois journées de marche sous un ciel très changeant, et dans des styles eux aussi très divers : franchissement pieds nus d’un grand marécage, traversée à grandes foulées de forêts à moustiques, lente avancée le long de l’ immense mer de Kiev…
Cette 10e étape s’annonce déjà mémorable, l’une des plus aventureuses du Tour du monde à pied ! Nous continuons notre progression vers le nord et la frontière russe.”

Le 27 juin 2018

“En direct de Tchernihiv, au nord de Kiev. Nous avons forcé l’allure pour atteindre cette grande ville et jouir enfin des commodités de la civilisation. Trois jours sans douche, tout en abattant une moyenne quotidienne de 30 km sous nos sacs d’une quinzaine de kilos, cela commençait de nous tirer les nerfs.
D’autant qu’ont succédé à la traversée des marais et au franchissement de grandes forêts sablonneuses un nouveau genre d’épreuves – entrecoupées heureusement de quelques bonheurs.
Côté réjouissances, la rencontre dans un café-épicerie d’un couple âgé, lui ancien officier à la jambe raidie par une balle allemande, elle ex-championne de gymnastique, qui nous ont ouvert leur maison pour une nuit formidable. Leur bicoque n’a pas l’eau courante et, en guise de toilettes, un plancher percé d’un trou, mais l’on y dîne princièrement de poissons pêchés par le chef de famille, de patates à la cueillette desquelles nous avons prêté main-forte, et d’un bortsch mémorable…
Côté mésaventures, il y aurait beaucoup à décrire aussi. Nous ne nous doutions pas, en marchant 20 kms à travers un parc naturel renommé pour ses lynx, poursuivis chacun par une trentaine de moustiques (la faute, paraît-il, aux neiges abondantes du dernier hiver), de déboucher… Au milieu d’un camp militaire en plein déploiement. Manœuvres d’engins, cibles et maisons factices dressées dans le sable, plus loin des panneaux “danger” rouge vif et un écriteau, peu rassurant, avertissant que la zone servait occasionnellement à l’essai de missiles. Ajoutez un orage gris ardoise sur nos talons, une barrière à sentinelles armées… Quel soulagement d’échapper à ce drôle de piège ! Mais c’était pour tomber, dans le village voisin entièrement réquisitionné par les militaires, sur un lieutenant et ses deux acolytes trop heureux de fêter des Français. Quatre bouteilles de vodka et d’innombrables toasts plus tard, nous marchons derrière eux dans la forêt. Une tente militaire, paraît-il, pourrait nous accueillir cette nuit. Malheureusement notre lieutenant est trop saoul. Il s’égare dans le bois et, malgré notre état, nous décidons de quitter le camp pour planter nos tentes ailleurs. Ce sera fait vers minuit, à bonne distance des militaires. Bien cuit moi aussi, je m’effondre tout habillé, après 37 km de marche rectiligne. Réveil 6 h du matin. Et ça recommence…
En voilà une aventure à pied !”

Le 30 juin 2018

“En direct de Horodnia, Ukraine, où s’achève la 10e étape du Tour du Monde à pied, courte séance de 9 jours et 278 kms (soit une moyenne tonique de 31 kms / jour environ).
Nous n’étions pas ici pour nous reposer. À preuve, la sieste que nous avons commencée aujourd’hui, étendus sur des bancs, et dont nous a tirés… Une procession d’enterrement et ses chants orthodoxes, passant tout à côté !
Il y aurait tant à raconter.
Tel jour, attablés derrière une épicerie pour boire un soda, nous apprenons qu’un concert de village va se tenir bientôt, à cet endroit même. Nous offrons une bouteille de vin qui vient grossir les victuailles déjà étalées sur la table.
Tel autre jour, un couple âgé assis devant sa maison s’ émeut de nos mines déconfites, parce que le seul commerce du village a fermé. Apparaissent aussitôt une grande miche de pain, de la confiture de fraises maison, du lait et du jus de bouleau – ainsi hélas qu’un gros bloc de saindoux, le poids et le format d’une brique, dont nos hôtes croient nous régaler (il pèsera un certain temps dans nos sacs avant qu’à notre tour, nous l’offrions aux animaux sauvages…).
Tel autre jour enfin, nous ramassons de jolies pierres vertes qui jonchent le chemin, les rinçons dans les flaques et, expertisant sobrement nos trouvailles sur Internet, concluons que nous tenons dans nos mains des cailloux… d’aventurine. Ça ne s’invente pas.
Mais notre objectif, le point dit “des trois sœurs” où se recoupent les frontières d’Ukraine, de Russie et de Biélorussie, se rapprochait d’heure en heure. Un dernier effort et le voici derrière une rangée de sapins, lui ou plutôt le café éponyme, jaune et vert, que nous visions depuis le matin.
Nous sommes arrivés.
Une victoire, ça s’arrose… Un énorme orage éclate dans les derniers cents mètres. Nous nous abritons sous l’auvent du café avec deux tasses fumantes et notre récompense : une tablette de chocolat roumain fourré noix de coco. Il faut prendre des forces. La Russie nous attend, en ligne droite jusqu’au Pacifique.”

La 11e étape, l’an prochain (ou peut-être plus tôt, si les mollets nous démangent), reprendra au même point — mais côté russe, cette fois. Il nous restera 600 km environ jusqu’à Moscou et l’arrivée sur la place Rouge qui constituera, à n’en pas douter, l’un des points d’orgue de ce voyage bipède.

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